Rencontres (#9) (Un canal en plein naufrage)

CHRONIQUES RETRO-TESTERINES -23-

 

                Rencontres (9)

 par Jean Dubroca

                

  UN CANAL EN PLEIN NAUFRAGE25 Le canal au temps de sa splendeur

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Dans la série « Rencontres », en voici une peu ordinaire. Elle se passe avec Mme Laville qui a vendu vend au Conseil, alors « général » la partie des berges de l’historique canal Cazaux-La Hume lui appartenant ainsi donc que le canal. Marché conclu pour 116 000 francs. Pourquoi cette étrange session d’une partie d’une voie d’eau, surtout pleine d’histoire et d’utopie ?

 

25 Tracé du can a1 840De la partie navigable du canal des Landes, il n’existe plus aujourd’hui que quelques centaines de mètres bucoliques, à la sortie de Cazaux et aussi durant la traversée d’une petite partie du parc de la Magdeleine à La Hume. Comme une survivance des nombreux des projets de canaux imaginés dans le sud du pays de Buch. Rappels. En 1778, un négociant bordelais, nommé Delhort, lance l’idée d’un canal entre La Teste et Bordeaux qui, évidemment, faciliterait les très difficiles conditions de transport entre ces deux villes. Cette idée, rejetée à l’époque, est bientôt reprise par M. Duplessis, directeur des travaux de Salins-de-Cette (Hérault). En 1783, l’intendant bordelais, Nicolas Dupré de Saint Maur, invite cet intrus à mieux étudier les mathématiques, avant de se lancer dans les creusements de canaux ! Ce qui n’empêche pas, en 1839, l’entreprenant David Allègre de proposer, au nord, un canal reliant Arès à l’estuaire de la Gironde sans plus de succès bien que l’administration qui voit grand, revienne parfois sur le tracé d’un canal entre le Bassin et l’Adour déjà imaginé par… Vauban.

25 Canal démoli

En 1834, afin de commencer à assainir la lande girondine, on s’attaque au creusement d’un canal entre Cazaux et La Hume. Très rapidement, l’idée de l’utiliser pour des transports de marchandises se développe. Elle est concrétisée par la Compagnie d’exploitation et de colonisation des Landes qui achète des terrains sur quatorze kilomètres du parcours envisagé et creuse un grand port à La Hume, bordé d’une maison de quatre-vingts pièces, à usage de logements pour les agents et d’accueil les touristes. A la grande fureur des Testerins qui auraient bien voulu cet équipement se bâtir chez eux. D’ailleurs, en 1841, le conseil municipal de cette ville, encore amer de cette situation écrit : « le promoteur de ce canal est un génie malfaisant ». Ce mauvais génie a toutefois réalisé un ouvrage large de quinze mètres, profond de 1,65 mètres, et doté de sept écluses. Tout est achevé en 1838, dans des conditions très dures pour les ouvriers qui y travaillent.

 

Hélas ! Les 7000 tonnes de marchandises transportées annuellement, à raison de 3,20 francs par tonne de bois ou de résine, ne suffisent pas à rentabiliser le canal, pourtant lancé avec beaucoup d’espérances par le duc de Montmorency et couronné par la visite du duc d’Orléans en 1839. Mais, victime du manque de matériaux ou de passagers à transporter, ainsi que des gros frais à engager pour la lutte contre son ensablement et, par surcroît, trahi par la fermeture du port de La Hume causé par le passage de la voie ferrée vers La Teste, le canal doit cesser son exploitation en 1860. Il commence ainsi une lente dégradation. Il devient même un prosaïque lavoir par endroits. Même, en 1845, des propositions touristiques pour y naviguer sur une barque de douze places ne pourront le sauver.

 

Depuis, on s’en doute, rien ne s’est amélioré. D’autant plus que durant l’Occupation, les troupes nazies ont détérioré certaines écluses pour y construite des batardeaux, destinés, en les fermant, à inonder tout le secteur. Or, ce canal est des plus utiles car il assure la constance du niveau de l’eau dans le lac de Cazaux et il assure une importante fonction de drainage du secteur. Que le canal fonctionne mal et c’est l’inondation assurée de Cazaux à la voie directe comme en 1991 ! Et voilà pourquoi le Département a acquis 300 000 m2 de rives du canal afin de l’entretenir correctement et de classer le site. En attendant le jour où canoës ou kayaks y navigueront d’un bout à l’autre. Canal utopique, on vous dit puisque la MIACA (Mission d’aménagement de la côte aquitaine) l’ :a encore glissé dans ses plans avant de les classer aux oubliettes du temps.

 

Jean Dubroca

 

– Légendes photos : 1- Un projet de canal du Bassin jusqu’à Vieux-Boucau vers 1840  

2- La canal au temps de sa splendeur, utilisé même par des bacs à voile. (Photo J.D.)

3- Les écluses démolies pendant l’Occupation. (Photo J.D.)