Château de Certes : l’histoire renaît !

TALENTS DU BASSIN (#23)

par Jean Dubroca

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PATRIMOINE : La renaissance du château de Certes par le Conservatoire du Littoral

 

 

Le 14 novembre 2010, un violent incendie nocturne du à la foudre détruit en très grande partie le château de Certes, situé au nord du centre d’Audenge. Ainsi, se trouve menacé de disparition un jalon historique important dans l’histoire du Bassin. La preuve. Vers 1250, alors que les documents manquent pour les années précédentes, il est sûr qu’existait déjà à peu près à son emplacement actuel mais sur une butte, une fortification en bois protégeant le port naturel du lieu.

Elle permettait de surveiller tout le secteur et même jusqu’aux passes du Bassin car la presqu’île du cap Ferret n’existait pas encore. Un château fortifié en pierre, fut ensuite, vraisemblablement, construit par le puissant captal de Buch Jean III de Grailly ou par son oncle, tout aussi fort, Archambault. En fait, les historiens restent très imprécis sur la date de construction de cette fortification qu’ils placent vers 1350…ou bien après. Une certitude, toutefois  : elle ressemblait au château de La Teste puisque c’était une tour carrée de dix mètres de côté, de vingt-cinq mètres de haut et ses solides murs mesuraient 1,65 mètres d’épaisseur. Bombardée durant la Fronde en 1653, elle prit feu en 1697, le jour du pèlerinage vers Saint-Yves, le protecteur d’Audenge, mais aussi jour de libations ! On sait qu’alors elle abritait quatre logements et protégeait un moulin. Le château fut reconstruit … aux frais des fermiers bailleurs qui furent reconnus responsables de l’incendie car ils avaient loué une partie de la forteresse à un nommé Prieur chez lequel le feu avait pris. Mais comme depuis la fin de XVIème siècle, le fort n’avait plus de rôle militaire son propriétaire, le marquis de Civrac qui avait creusé des marais salants de Cassy à Biganos, rasa la vieille construction et, grâce à ses pierres fit bâtir, de 1767 à1769, une grosse maison de maître entourée d’autres demeures bien plus modestes pour loger les sauniers, le tout pour un coût de plus de 2000 livres.

Un château très bourgeois

 

A la Révolution, la maison est achetée en 1799, par Dauberval, maître des ballets du Grand théâtre de Bordeaux à la retraite qui l’embellit, l’agrandit, en fait une « chartreuse » bordelaise et loge les sauniers dans le centre d’Audenge. En 1818, les locaux sont rachetés par François Valenton de Boissières qui les cède à son fils Ernest lequel va jouer un grand rôle dans l’évolution sociale d’Audenge. Ingénieur, il organise de façon rationnelle l’exploitation de la propriété. Puis, en 1895, le château et le domaine sont cédés à la copropriété Jean Descas-Larroque. A leur suite, car il se forme une véritable dynastie Descas, Camille Descas, le fils de Jean, surélève le bâtiment, le décore de frises en faïence et de fresques de style art nouveau de l’Ecole de Nancy, évoquant le Bassin. Les murs des pièces réorganisées se décorent d’une profusion de bois précieux. La chartreuse, au milieu de chênes séculaires, a donc pris l’allure assez luxueuse d’un honorable château et devient un centre mondain, à l’échelle toute relative d’Audenge et du milieu vinicole bordelais auquel les Descas appartiennent et qui a fait leur fortune. Puis Roger, petit-fils de Camille, devient propriétaire des lieux et actif et influent maire d’Audenge mais, à partir de 1960, sous ses successeurs, la rentabilité du domaine diminue. La résine a perdu de sa valeur et, pour une cause inconnue, disparaissent les alevins de bars, d’anguilles, de mules ou de dorades qui entraient par millions dans les réservoirs. Sans nouveaux capitaux, l’entretien des digues devient ruineux. En 1972, domaine et château sont vendus mais l’affaire reste toujours aussi peu lucrative, malgré les efforts des nouveaux propriétaires qui songent à la mettre en vente. C’est pourquoi, en 1983, des promoteurs immobiliers lorgnent sur les 950 hectares de réservoirs et de forêts qui subsistent des 2000 hectares d’origine. On se met à rêver de marinas sur les marais, de village touristique de 1200 maisons dans la forêt et de sous-préfecture du Bassin dans le château. Finalement, après une nouvelle vente privée, alors que le bâtiment tombe en ruine, le Conservatoire du littoral acquiert les 350 hectares restants. Voilà qui témoigne bien que le château de Certes reste le « fil rouge » d’une évolution politique, sociale et économique du secteur d’Audenge et en témoigne parfaitement.

Renaissance

 

Restaurer le château de Certes reste donc une œuvre indispensable pour fixer des traces de l’histoire du Pays de Buch. Ce à quoi s’attellent dès 1984 le Conseil départemental (alors général) de la Gironde et le Conservatoire en investissant des millions d’euros dans une opération qui permet notamment de reconstruire la partie sud de la toiture qui s’était écroulée, faute d’entretien. Et voilà que tout brûle en 2010 ! Fort heureusement, les carreaux, les tapisseries, les faïences ont été sauvegardés et sont maintenant en voie de restauration. Un beau sauvetage car plusieurs pièces de la bâtisse sont classées à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques : le vestibule, le salon des Orangers, le fumoir et la salle à manger. Pourtant, faute d’argent, le château des Audengeois reste alors six ans sous des bâches. Enfin, le 1èr décembre 2016, la nouvelle toiture apparaît et, aujourd’hui, la première phase de restauration de l’édifice s’achève, après un investissement de 1,5 millions d’euros. L’enveloppe de la bâtisse est restaurée, son intérieur assaini et les boiseries traitées contre la mérule et les termites. Les balcons sont reconstruits, le clocheton rénové, les murs enduits d’une teinte claire et les pierres manquantes sculptées et réinsérées. Ainsi, l’historique château a repris vie.

 

Le Conservatoire du littoral a consulté les Audengeois sur l’utilisation future des lieux qui, par ailleurs, accueillent 130 000 visiteurs par an. Il en ressort que le rez-de-chaussée serait public et montrerait la faune, les plantes et la botanique du riche environnement naturel et humain du domaine. Un lieu culturel et de connaissance donc, mais animé affirment les responsables du Conservatoire qui voient bien là un prestigieux pôle de découverte de la nature, une forme de tourisme à la mode, en un site qui aura été, pendant des siècles, le cœur d’une riche aventure humaine, avec ses réussites, ses peurs, ses échecs, ses entreprises. Il poursuivra donc son précieux témoignage.

J.D.

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http://www.sudouest.fr/2014/02/17/apres-graveyron-le-lifting-de-certes-1463861-2733.php

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