La « Centrale » : vieilles pierres et tout numérique !

TALENTS DU BASSIN (#40)
par Jean Dubroca
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Patrimoine : La commune de La Teste-de-Buch sauvegarde l’hôtel Verthamon

L’hôtel Verthamon, dit « de Caupos » fait partie de ces quelques rares et belles demeures qui témoignent encore de la longue histoire testerine. A l’heure où des pans entiers du passé la ville disparaissent, emportés par la spéculation immobilière qui engloutit les traces d’habitations souvent modestes mais images de sa vie maritime, forestière et agricole, la survivance d’hôtels particuliers du XVIIIème siècle constitue une richesse précieuse.

Pour tout savoir sur les  équipements numériques, les animations de la Centrale, suivre le lien : LA CENTRALE, Hotel de Caupos, 2 allée Clémenceau

D’autant plus précieuse que la ville possède très peu d’édifices anciens, car, dans ce pays de sable et de forêt, la pierre était un matériau de luxe. Pour construire en dur, on utilisait alors la poreuse roche d’alios ou bien des pierres provenant du lest des navires venus de Bretagne et même, sans vergogne, on employa les pierres des ruines du château des captaux. Trois bâtiments importants ont échappé à cette technique de récupération qui donnait des murs relativement fragiles. Il faut donc citer l’hôtel de Baleste (*), dit aussi « Maison Poulain » ou bien « Maison Portier ». Il fut construit par Pierre de Baleste, sans doute au centre d’un domaine agricole, vers 1660, comme en témoigne sa façade XVIIème,. Successivement acheté par Gérard de Caupos, baron d’Andernos, puis, au début du XVIIIème siècle par des gens de mer testerins appartenant à la famille Portier, qui l’améliore. Presbytère de 1910 à 1930, aujourd’hui inscrit à l’inventaire des Monuments historiques, il a été restauré récemment par Denis Blanchard-Dignac et sa famille qui ont su mettre en valeur sa belle décoration intérieure formée de boiseries Régence et Louis XVI et d’un superbe escalier en pierre du XVIIème.

Autre belle demeure testerine : la maison Lalanne (**) achetée en 1751 à Pierre de Taffard par Jean Daysson. Ce représentant d’une riche famille d’armateur testerin marque sa propriété par des symboles maritimes. Puis la maison passe dans deux autres familles locales, elles aussi avides de reconnaissance sociale, celle des Lalanne puis des Lesca.

Enfin, la maison Verthamon (***) complète cette intéressante trilogie. De style Louis XIII, l’hôtel semble bien, selon un acte de vente ultérieur, avoir été construit par la famille bordelaise des Chassaing, alliée aux de Caupos et de Palu qui en fait son pied à terre testerin. Il passe, par acte de vente, à la famille de Caupos, d’où aussi son autre nom. La richesse des de Caupos provient de leur propriété de pins en forêt usagère qui leur permet de développer un fructueux commerce de produits résineux. Tellement fructueux qu’ils achètent la baronnie de Lacanau, la seigneurie d’Andernos et la vicomté de Biscarrosse. Autre de leurs acquisitions : celui de charges de conseillers au Parlement de Bordeaux, ce qui en fait, tout aussitôt, des nobles héréditaires. Marie de Caupos, mariée le 12 mai1745 à François de Verthamon d’Ambloy, premier président du Parlement bordelais, a sept enfants. Veuve en 1785, deux de ses garçons émigrent en 1791, ne reviennent pas ce qui entraîne la saisie par l’Etat de la part de leurs biens. La municipalité de La Teste s’installe alors dans des locaux devenus publics, entre novembre 1793 et janvier 1794, en chassant des militaires qui en avaient fait leur casernement depuis 1792. Mais l’hôtel échappe à la commune car le juge de paix, Jean Turpin, ancien maire, surenchérit lors de la mise en vente du bâtiment comme « bien public », sans doute satisfait d’avoir joué ce mauvais tour au maire en exercice, Jean Fleury, qu’il n’aime guère. Malgré les interventions de Fleury auprès d’Izabeau, représentant du peuple à Bordeaux, Taffard jeune acquiert le bien et signifie son congé à la municipalité, en janvier 1797. Procédure que réitère un autre Taffard qui, par une transaction fort opportune, acquiert l’immeuble seulement six mois après la précédente opération afin d’y élire domicile, ce qui coupe court à une revendication communale. Au XIXème siècle, l’hôtel passe du second Taffard à Jean Fleury qui est élu maire en janvier 1831. Comme la mairie n’a pas de locaux commodes, Fleury lui loue une partie de l’hôtel Verthamon où réside aussi le docteur Jean Hameau, gendre de Fleury. Trente-quatre ans après en avoir été chassée, la mairie revient donc dans des lieux qui, par leur prestige lui conviennent bien. Mais le mauvais sort la poursuit. En août 1840, à la suite d’un procès, les biens de Jean Fleury sont mis en vente et la mairie, dépitée, doit quitter les lieux, condamnée de nouveau à l’errance. Lors de la mise en vente de l’hôtel en 1841, Jean Hameau peut racheter l’hôtel de son beau-père et, en 1846, devenu maire, il le revend … à la commune. Pour la troisième fois, en soixante ans sa municipalité retrouve l’hôtel Verthamon ! Dès lors, pendant plus de 168 ans, l’historique lieu sera l’hôtel de ville testerin. Il devient alors le centre des heurts et des malheurs du pays durant tout ce temps-là, connaissant peu de modifications. Il perd sa grille d’entrée au début du XXème siècle et se trouve orné sur sa façade nord en 1920 par deux obusiers pris à l’ennemi et disposés de part et d’autre du péristyle. Lequel ennemi récupère ses canons en 1940. En 1995 (?), on enlève le clocheton au soubassement en bois ajouré et devenu vétuste qui dominait la construction.
Mais le fort développement démographique de la commune oblige les services municipaux à de profonds aménagements intérieurs des bureaux. Malgré tout, les services municipaux se trouvent si à l’étroit qu’ils sont dispersés en plusieurs lieux de la ville. Il fallut donc se résoudre à déménager et une nouvelle mairie est inaugurée en 2014. Sa conception en ferraille et en verre en fait un bâtiment translucide, certes imposant mais sans âme. Tout le contraire de l’hôtel Verthamon qui trône en face et si bien intégré à l’histoire testerine. Pourtant il ne figure sur aucun classement de protection et risque la disparition. Il est sauvé par l’idée de le transformer en un centre culturel particulièrement original : une « bibliothèque hybride », inaugurée en juin dernier. Baptisé « La Centrale », il s’agit d’en faire, souhaitent ses sept animateurs, « un lieu que les habitants peuvent s’approprier et fréquenter régulièrement car c’est un endroit de loisirs, de découvertes, de formation et de création. Cela grâce à des espaces qui incitent à la curiosité, à l’expérimentation et aux pratiques amateurs, au partage de l’actualité du monde, facteurs de lien social ». Pratiquement, cela se traduit par « le Plateau Arts Numériques pour faire émerger de nouvelles pratiques culturelles en invitant à la création autour de la musique, du graphisme, de la vidéo et des jeux ». De plus, un « Espace public Numérique » accompagnera au quotidien les usagers dans leurs pratiques courantes. » Enfin, des documents numériques et imprimés à emprunter ou à consulter sur place complèteront des offres d’activités épaulées par la salle consacrée au souvenir du docteur Jean Hameau constitue un centre de ressources historiques, animé par l’association qui conserve la mémoire du docteur. Ainsi, le patrimonial hôtel Verthamon, riche point de repère sur la longue histoire testerine, devient un original outil pour la construction de son avenir.

Jean Dubroca
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(*) 10, rue Jean-de-Grailly.
(**) Bibliothèque municipale, place Jean-Hameau.
(***) Hôtel de Caupos, 2, allée Georges-Clémenceau. (Du mardi au samedi).

Inauguration avec TVBA