Le petit train de Cazaux

Par Françoise Cottin

Cazaux, partie détachée de la commune de La Teste, était autrefois un hameau misérable, isolé du reste du monde. La route empierrée et le chemin de fer contribueront à « désenclaver » le village, devenu par la suite, un lieu de vacances très fréquenté. La création de l’ École de Tir aérien, fondée pendant la Grande Guerre ( aujourd’hui Base aérienne 120, ) a transformé ce petit pays en un centre militaire important. L’église Saint Pierre évoque le souvenir de l’abbé Mouls. Avant d’être curé d’Arcachon, il fut curé de Cazaux, et c’est lui qui a transporté de ses propres mains , pierre par pierre, les murs d’ une ancienne chapelle à demi écroulée, située au bord du lac, pour la reconstruire avec l’aide de ses paroissiens, là où nous la voyons aujourd’hui. En 2003, à la demande de l’Association de Sauvegarde du Patrimoine Historique de la paroisse, la croix Montmorency a été fixée près de l’église.

Au début du vingtième siècle, le petit train

effectue chaque jour, selon la saison, deux à quatre allers et retours La Teste – Cazaux, sur un trajet de 13 kilomètres environ, qu’il parcourt – dans le meilleur des cas – en 40 minutes…Une locomotive poussive traîne péniblement d’antiques voitures à impériale et des wagons inconfortables, qui ont été achetés dans les stocks déclassés par d’autres compagnies. La voie traverse les bois communaux de La Teste, et les parcelles Nord- Est de la forêt usagère : Lette de Sécary, Baron Capet, le Bequet Daney et le Bequet Gontard . On aperçoit à droite le Truc de la Truque ( 76 mètres de haut). Premier arrêt, la minuscule gare du Courneau où débarquent les excursionnistes intrépides qui veulent visiter la Grande Montagne de La Teste, et monter au sommet du Truc de la Truque, d’où la vue est magnifique. Après un autre arrêt à Cazaux – Hameau, le petit train arrive enfin à la gare de Cazaux – Lac, au bord de l’étang.

Il existe une différence de niveau entre le Bassin d’Arcachon et le lac de Cazaux,

et le petit train doit « grimper », de vingt mètres environ, avant d’arriver au terminus de la ligne. La locomotive – de faible puissance – peine à franchir les côtes, et le conducteur est parfois obligé de « délester » ; il demande alors aux passagers de descendre, et d’ aller chercher dans la forêt pommes de pin et bois mort, pour alimenter la chaudière, et pousser les feux…Le convoi redémarre sans crier gare, et les voyageurs sont obligés de courir derrière, pour le rattraper et monter en marche.. Heureusement, la vitesse (20 kilomètres à l’heure en moyenne ), n’ a rien de comparable avec celle d’un TGV ! Si, par miracle, la chaudière ronfle de façon satisfaisante, les escarbilles et les flammèches risquent à tout moment de mettre le feu aux herbes du ballast. Dès qu’un foyer se déclare, il faut aussitôt arrêter l’incendie avant qu’il ne s’étende à la forêt toute proche, et les passagers sont de nouveau mis à contribution pour éteindre les flammes en tapant dessus avec des branchages.

Quand il n’y a ni panne, ni incendie, ce sont les troupeaux de vaches sauvages qui s’ installent sur la voie … Elles peuvent se montrer d’humeur belliqueuse, et il vaut mieux attendre prudemment à l’abri d’un wagon qu’elles se décident à libérer le passage… Le voyage de retour peut aussi réserver quelques surprises : en se dirigeant vers la Teste, le petit train doit affronter une pente ( vertigineuse !) de vingt mètres pour treize kilomètres, mais les freins de la locomotive ne sont pas très puissants, et il arrive qu’ils lâchent … Le chauffeur lance alors des coups de sifflets désespérés, ce qui n’est pas d’un grand secours pour éviter le choc, heureusement les butoirs de la gare de La Teste sont là pour stopper le convoi fou, et l’on en est quitte pour quelques plaies et bosses sans gravité…personne ne s’étonnera, par la suite, si les vitres sont cassées, les portes dégondées, et les sièges défoncés ! !

A l’origine, la voie ferrée avait été créée pour faciliter l’exploitation des forêts voisines .

Les bois, déjà façonnés ( traverses de chemin de fer, ou poteaux de mine), franchissaient le lac sur des chalands à voile jusqu’à la gare de Cazaux, d’où ils étaient transportés vers La Teste, avant d’ être réexpédiés en direction de Bordeaux. L’écartement des rails était le même que celui de la Compagnie du Midi, ce qui facilitait le transbordement. L’entreprise, mal gérée et peu rentable, fut rapidement déficitaire. Le département, soucieux d’assurer la continuité du service public, confia l’exploitation de la ligne à un nouveau concessionnaire, M. Ortal. Aussitôt celui-ci chercha à développer le trafic des voyageurs, en organisant des séjours pour la chasse et la pêche, et des circuits touristiques, à partir d’un Hôtel-Restaurant-Buffet de la Gare, au bord de l’étang . Il proposait à ses clients la location d’un petit bateau à vapeur, « la Cazaline » , ou de voitures à sable pour les excursions sur les rives du lac et dans la forêt usagère.

 

La politique de M. Ortal se montre payante, et au tournant du siècle, le trafic de voyageurs s’établit aux environs de 10.000 personnes par an. Toutefois la ligne subsiste surtout par le transport des grumes, des poteaux de mine et des tonneaux de résine. Durant la Grande Guerre, la voie ferrée La Teste- Cazaux permet de desservir l’école de tir aérien de Cazaux, qui vient d’être créée, et le camp du Courneau, occupé successivement par des Tirailleurs Sénégalais, des Russes et des Américains. Après la guerre, la situation financière de l’entreprise devient catastrophique et les déficits s’accumulent, car le petit train souffre désormais de la concurrence de la route, militaires et civils préférant circuler dans des cars, plus rapides et plus confortables. Le Conseil Général demande le déclassement de la ligne en 1934, mais l’armée de l’air continue à l’utiliser jusqu’en 1957, pour transporter personnel, marchandises et munitions. Actuellement, l’armée se sert de la voie ( entretenue par la SNCF), uniquement pour assurer l’approvisionnement de la Base 120 en carburant !

 

Légende : Ce petit train de Cazaux, un souvenir découvert – aussi- sur ce très joli site d’un collectionneur de cartes postales !

Carte postale toujours en vente ?